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Où sont Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah ? Les autorités guinéennes tentent de se dédouaner
Communiqué  Posté le 17:10 19-07-2024, modifié le 17:10 19-07-2024 par Tournons La Page

Cela fait maintenant onze jours que le sort d’Oumar Sylla et de Mamadou Billo Bah demeure inconnu, plongeant leurs proches, la société civile et les défenseurs des droits humains dans une profonde inquiétude quant à leur intégrité physique. Leur enlèvement par un groupe de militaires identifié par la famille et des témoins, comme des éléments des forces spéciales et du GIGN lourdement armés, a suscité une vague d'indignation et de condamnations, tant au niveau national qu'international. Sous la pression croissante, les autorités guinéennes ont enfin réagi dans un communiqué publié le 17 juillet 2024, par le Parquet Général où elles tentent de se dédouaner de toute responsabilité quant à la disparition de deux activistes. Cette déclaration ne fait qu’accentuer le climat d'insécurité et d'impunité qui règne dans le pays.

Télécharger le communiqué ici

Le mardi 9 juillet dernier, aux alentours de 22 heures, Oumar Sylla dit « Foniké Menguè », Coordinateur national du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), Mamadou Billo Bah, Coordinateur de Tournons La Page Guinée et responsable des antennes et de la mobilisation du FNDC et Mohamed Cissé, membre du FNDC, sont enlevés par un groupe de militaires encagoulés, armés, dont certains en tenues civiles, sans mandat judiciaire. Le lendemain, Mohammed Cissé sera libéré avec des traces de torture. Les deux autres activistes auraient été transportés sur l'île de Kassa aux alentours de minuit, dans un camp de concentration des Forces Spéciales. Cela, sans explications de la part des autorités guinéennes concernant les raisons de leur détention, leur localisation ni leur état de santé. Il est aujourd'hui impossible de savoir s’ils se trouvent toujours dans le camp militaire de Kassa, qui rappelons-le, n’est pas un centre pénitentiaire officiel. Le Collectif d’avocats en charge de la défense d’Oumar Sylla et de Mamadou Billo Bah a d’ailleurs parcouru toutes les prisons de Conakry sans trouver aucune trace d’eux. Dans une déclaration publiée le 17 juillet, le collectif a également indiqué avoir adressé un courrier au Procureur de la République le 11 juillet 2024, resté sans réponse.

Depuis l'enlèvement, la société civile guinéenne et internationale n’a cessé d’exiger leur libération immédiate et inconditionnelle. La nouvelle a ainsi fait le tour du monde, relayée par des grands médias internationaux, des personnalités africaines et européennes, la Rapporteure spéciale de l’ONU sur les défenseurs des droits humains, Mary Lawlor, et de nombreuses organisations de défense des droits humains. En Guinée, le Barreau a décidé de boycotter toutes les audiences sur l’ensemble du territoire national entre le 16 et le 31 juillet pour protester contre ce kidnapping. Les appels à manifester commencent eux aussi à se multiplier.

Ces enlèvements constituent des graves violations du droit international, notamment du droit à un procès équitable et du droit de ne pas être soumis à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. De telles actions sont ainsi contraires aux engagements internationaux de la Guinée, à savoir la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) et la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, ratifiés respectivement en 1978 et 1982.

Face à la pression croissante, les autorités guinéennes ont brisé le silence dans un communiqué publié le 17 juillet 2024 par le Parquet Général. Dans ce dernier, le Procureur de la République, Fallou Doumbouya, indique « qu’aucun organe d’enquête n’a procédé à aucune interpellation ou arrestation de qui que ce soit ». Il accuse également toutes les voix qui se sont élevés pour dénoncer cette injustice de manipuler l’opinion publique et de porter « gravement atteinte à l’image de notre pays ». Cette déclaration, loin d’apaiser, ne fait qu’accentuer le climat d'insécurité et d'impunité qui règne dans le pays. L’opinion publique n’est pas dupe : en feignant l’ignorance quant à la disparition d’Oumar Sylla et de Mamadou Billo Bah, les autorités guinéennes cherchent clairement à se dédouaner de toute responsabilité.

Ce n'est pas la première fois que les autorités de transition procèdent à des arrestations arbitraires. De nombreux défenseurs des droits humains en Guinée en sont régulièrement victimes. Mamadou Billo Bah et Oumar Sylla ont ainsi déjà été détenus respectivement 4 et 10 mois depuis le coup d'État de septembre 2021, ils avaient finalement été libérés et acquittés en mai 2023. La reprise des arrestations est inquiétante et intervient à un moment où les organisations de la société civile se mobilisent pour le rétablissement des fréquences des médias injustement retirées et pour dénoncer les dérives de la transition militaire. L’enlèvement de Mamadou Billo Bah et Oumar Sylla a pour seul but d’intimider la société civile et de réduire au silence toute voix dissidente.

 

Les signataires demandent,

Aux autorités guinéennes de :

  • Divulguer publiquement et de manière transparente le lieu de détention, l’état de santé et les conditions dans lesquelles sont détenus Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah,
  • Libérer immédiatement et sans conditions Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah et que des mesures soient prises pour garantir leur sécurité et leur accès à une assistance juridique et médicale,
  • Cesser les attaques contre les défenseurs des droits humains et garantir les droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association dans le pays, conformément aux textes fondamentaux et aux engagements internationaux pris par la Guinée.

À la communauté internationale de :

  • Continuer à faire pression sur les autorités guinéennes pour garantir la sécurité et la libération d’Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah,
  • Mettre en place une enquête internationale indépendante pour identifier les coupables de cet enlèvement et traduire les coupables devant la justice.

Signataires :

  • ACAT-France
  • Attac France
  • Internet Sans Frontières (ISF)
  • Justice et Paix France
  • Synergie Togo
  • Tournons La Page (TLP)

Contact presse : 

Moyra Oblitas
Chargée de communication
moyra.oblitas@tournonslapage.org