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Forum des ONGs à Banjul : TLP dénonce les entraves à la liberté d’expression en Afrique de l’Ouest
Actualité  Posté le 11:30 18-10-2024, modifié le 11:30 18-10-2024 par Tournons La Page

Les membres de Tournons La Page ont participé activement au Forum des Organisations non gouvernementales (ONGs) qui s’est tenu du 13 au 15 octobre 2024 à Banjul (Gambie). Invité à prendre la parole par SOS Information Juridique Multisectorielle (SOS-IJM) basée en République Démocratique du Congo, Koffi Rodrigue Amedonou, membre de Tournons La Page Togo (TLP-Togo), n’a pu être présent pour des raisons d’agenda. Toutefois, c’est Sentiment Ondo Elibiyo, coordinateur de TLP-Gabon, qui l’a brillamment remplacé lors du panel dédié à la "Protection des libertés civiles", abordant notamment la liberté de la presse, la liberté de réunion et la liberté d'expression. À travers un plaidoyer puissant, Sentiment Ondo Elibiyo a dénoncé les nombreux obstacles à la liberté de la presse et l'état critique de la gouvernance en Afrique de l’Ouest. 

Un droit fondamental constamment bafoué 

Malgré la protection juridique internationale de la liberté de la presse, inscrite dans des textes tels que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, la Convention européenne des droits de l'homme, la Résolution A/RES/59 (I) de l'Assemblée générale des Nations Unies adoptée en 1946, la réalité sur le terrain est tout autre. Ondo Elibiyo a dénoncé les attaques répétées contre les journalistes dans la région. Selon Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, 71 journalistes ont été tués en 2023, qualifiant l'année de « dévastatrice » pour la profession. 

Malgré les engagements des États ouest-africains à garantir cette liberté, les faits démontrent le contraire : arrestations de journalistes, coupures d’Internet, lois restrictives, et utilisation du logiciel espion PEGASUS pour traquer les médias critiques. Koffi Rodrigue Amedonou, par la voix de Sentiment Ondo Elibiyo, a révélé avoir été victime de ce système d'espionnage depuis 2022, illustrant la gravité de la répression. 

Lois liberticides et répression des médias 

Les journalistes ouest-africains, bien que protégés sur le papier, subissent la force de lois draconiennes. « La liberté de la presse a donc été fortement mise à l'épreuve en Afrique de l'Ouest courant 2023, à travers notamment la prise-dé lois liberticides pour non seulement remettre en cause la dépénalisation du délit de presse, mais aussi et surtout restreindre l’espace d'exercice des journalistes. On peut citer comme lois liberticides, la loi sur le numérique, la loi sur la cybercriminalité et la cyber sécurité, la loi sur la sécurité intérieure, la loi sur le terrorisme et l’extrémisme violent », a déclaré Sentiment Ondo Elibiyo. Ces législations, sous couvert de sécurité nationale, sont devenues des outils de répression contre les voix dissidentes. Il a dénoncé ce phénomène, rappelant que les États de la région adoptent ces pratiques dangereuses pour réduire à néant l’espace civique. 

Liberté de la presse et bonne gouvernance : un lien indissociable 

Le coordonnateur de TLP-Gabon a également mis en lumière une corrélation fondamentale entre liberté de la presse et bonne gouvernance. Dans des pays comme le Ghana et le Nigeria, où la presse est plus libre, la gouvernance est jugée plus transparente et démocratique. En revanche, dans de nombreux pays francophones, la gouvernance est marquée par la répression, les manipulations constitutionnelles et la consolidation du pouvoir par des élites, parfois militaires. L'exemple du Togo en 2005, où l'armée a imposé la succession dynastique après la mort du président, illustre les dérives antidémocratiques qui persistent dans la région. Selon lui, la faiblesse de la gouvernance dans ces pays est liée à une répression systématique des journalistes et à la manipulation des institutions publiques. 

La presse sous pression : une profession fragmentée 

La répression journalistique a conduit à une fragmentation de la profession en quatre catégories, comme l'a expliqué Sentiment Ondo Elibiyo : 

  1. Les journalistes pro-pouvoir, fidèles au régime en place. 
  2. Les journalistes d’opposition, qui dénoncent les abus de pouvoir et la corruption. 
  3. Les journalistes centristes, qui évitent les sujets sensibles. 
  4. Les journalistes défendant leurs mécènes, souvent liés à des figures de l’élite politique ou économique. 

Cette division de la presse, accentuée par l’insécurité économique, pousse de nombreux journalistes à l’autocensure, un obstacle supplémentaire à l’émergence d’une gouvernance transparente et démocratique. 

Appels à l’action : que faire ? 

Pour pallier cette situation préoccupante, Sentiment Ondo Elibiyo a lancé plusieurs appels : 

  • À l'Union Africaine et à la CEDEAO, pour qu'elles mettent en place des mécanismes contraignants visant à garantir la protection des journalistes et des libertés civiles. 
  • À une réforme des traités régionaux, pour imposer la limitation des mandats présidentiels, essentielle pour assurer des transitions démocratiques pacifiques. 
  • À la société civile, pour continuer à défendre la liberté d’expression et de presse, en dépit des pressions croissantes.