À l’occasion du 10e anniversaire de Tournons La Page (TLP), Brice Mackosso membre fondateur de TLP et coordonnateur de TLP-Congo, Brigitte Ameganvi, trésorière de TLP, et Régine Komokoli, conseillère départementale en Bretagne (France), ont été reçus par Sadio Morel-Kanté dans l’émission « Tumultes sur les libertés fondamentales » diffusée le 20 octobre 2024 sur la chaîne Youtube « Global Africa Telesud ». Les sujets abordés portaient, entre autres, sur l’historique du mouvement TLP, les défis de la démocratie en Afrique, les relations entre la mauvaise gouvernance dans les pays africains et l’immigration massive des Africains en France.
« La création de Tournons La Page a précédé de peu la chute de Blaise Compaoré (ancien président du Burkina Faso qui a passé 27 ans au pouvoir). L’appel a été lancé le 15 octobre 2014. Deux semaines après, Blaise Compaoré a été renvoyé par la rue », a rappelé Brigitte Ameganvi concernant l’historique du mouvement. Pour elle, il y a une corrélation entre ces deux événements, même si leur relation n’est pas directe. « Mais cela marque la conséquence et l’efficacité des mobilisations citoyennes à l’époque puisque la chute de Blaise Compaoré, c’est essentiellement à la mobilisation massive des Burkinabé.es au sein du Balai Citoyen (un mouvement de la société civile) qu’on le doit », a-t-elle précisé. Le mouvement a débuté dans quatre pays : le Congo, le Gabon, le Cameroun et la République Démocratique du Congo; ces pays ont le souhait commun d'opérer une alternance démocratique sur leur territoire. « Ce sont des mouvements qui sont universels, qui traversent tous les peuples, les besoins de liberté d’expression et de valeurs démocratiques sont des valeurs universelles », a ajouté Brigitte Ameganvi.
Pourquoi Tournons La Page ?
Aujourd’hui, le mouvement TLP est présent dans quinze pays africains et en Europe. Il a été créé pour favoriser l’alternance démocratique sur le continent africain. « La page que nous voulons tourner, c’est la page de l’alternance des régimes autoritaires, la page créée de l’alternance démocratique. Nous travaillons pour que les passations de service de passent de manière pacifique dans nos pays », a souligné Brice Mackosso. Dans quelles mesures ce mouvement citoyens a-t-il apporté des réponses démocratiques, en dépit des coups d’Etat constitutionnels ? Ce combat n’est-il pas vain ? À ces questions, le coordonnateur de TLP-Congo a rappelé le contexte historique de la création du mouvement. Pour lui, la question des troisièmes mandats, des changements de Constitution ne faisait pas l’objet de débats au moment du lancement du mouvement. « Ce sont les coups d’Etat militaires qui faisaient l’objet de débat. Et aujourd’hui, il faut reconnaître que ce débat est en train d’évoluer », a-t-il précisé.
L’immigration massive décriée en France, mais…
La conseillère départementale Régine Komokoli, qui se définit « comme ancienne migrante sans-papiers, élue de la République française, militante afro-féministe et écologiste » a répondu au ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau qui a estimé que « l’immigration n’est pas une chance », dans une interview accordée au JDD et à LCI. Pour Régine Komokoli, cette déclaration constitue « un bouc-émissaire utilisé pour cacher les vrais problèmes dans ce pays (France, NDLR). « C’est une insulte pour des millions de citoyens français issus de l’immigration. Je me sens profondément interpellée par ces propos qui non seulement méprisent les parcours de vie de tant de personnes, mais déforment également la réalité de ce que l’immigration représente pour la France ».
De son côté, Brigitte Ameganvi a établi un lien de corrélation entre le non-respect des principes démocratiques et la ruée des Africains vers la France. « La lutte pour la démocratie est une lutte préventive pour empêcher l’immigration clandestine. Pourquoi ? Parce que, si nous luttons dans nos pays pour qu’il y ait la démocratie, la bonne gouvernance, c’est pour que les populations trouvent leur bonheur dans leurs pays. Personne n’immigre de gaieté de cœur », a déclaré Brigitte Ameganvi avant de poursuivre: « S’il n’y avait pas le soutien de certaines puissances occidentales aux régimes dictatoriaux, à des élections frauduleuses connues de tout le monde, les gens n’auraient pas besoin d’immigrer ». Les conflits électoraux et les guerres en Afrique entraînent une émigration massive et des déplacements internes. Pour prévenir l'immigration massive, il est donc crucial d'améliorer les conditions de vie dans les pays d'origine des migrants.