En novembre 2023, la junte guinéenne a lancé le début d’une nouvelle vague de rétrécissement de l’espace civique en s’attaquant particulièrement à la liberté d’expression. Entre coupures d’internet, interdiction de journaux et arrestations de professionnels des médias, tout est mis en œuvre pour empêcher que le récit de la répression en cours ne dépasse les frontières du pays.
Depuis le 24 novembre 2023, la junte a bloqué plusieurs plateformes de médias sociaux telles que Facebook, Messenger, WhatsApp, Instagram, imposant aux citoyens l'utilisation d'un VPN pour se connecter en contournant ces restrictions. Parallèlement, depuis le 27 novembre 2023, plusieurs entreprises de presse ont fait face à des menaces de fermeture de la part du gouvernement. Ces menaces se sont concrétisées par le brouillage des fréquences de radios telles que FIM FM, Espace FM ou encore Djoma FM, le retrait de plusieurs chaînes de télévision (Evasion, Djoma TV, et Espace TV) du bouquet Canal+, et le blocage intermittent de sites d'informations. La Haute Autorité de la Communication (HAC) justifie ces mesures en invoquant un impératif de sécurité nationale sans donner plus de détails.
Le 19 janvier 2024, le secrétaire Général du syndicat de la presse Sekou Jamal Pendessa a été arrêté pour avoir exprimé des revendications contre les dérives des autorités à l’endroit des médias privés du pays. Il est inculpé par le tribunal de première instance de Dixinn de « participation à une manifestation non autorisée sur la voie publique et publication de données de nature à troubler la sécurité et l’ordre public ». Après plusieurs semaines de détention le syndicaliste n’a toujours pas été jugé.
« L’Internet n’est pas un droit » clamait le 1er décembre 2023 Ousmane Gaoual Diallo, ministre des Postes et télécommunication et porte-parole du Gouvernement, tentant de justifier la suspension des services internet par des "dysfonctionnements" de son câble sous-marin. Ce, alors que dans sa résolution du 27 juin 2016, l’ONU a condamné « les mesures qui visent à empêcher ou à perturber délibérément l’accès à l’information ou la diffusion d’informations en ligne »[1]. De son côté, la CADHP a adopté le 4 novembre 2016 la résolution 362 appelant « États parties à respecter et à prendre des mesures législatives et autres pour garantir, respecter et protéger le droit des citoyens à la liberté d’information et d’expression par l’accès aux services de l’Internet »[2].
De ce fait, Tournons La Page et Internet Sans Frontières :
- Considérons que non seulement l’internet est un droit pour les citoyens mais également un devoir pour les états de le mettre à disposition de leur population ;
- Dénonçons vigoureusement ces atteintes graves aux libertés d’expression et de presse ;
- Appelons les autorités à lever les blocages d’internet, à cesser les intimidations envers les organes de presse et à respecter les droits fondamentaux des citoyens guinéens.
22 février 2024
Contact Presse :
Moyra Oblitas, moyra.oblitas@tournonslapage.org
[1] « Trente deuxième session », Conseil des droits de l’Homme des Nations unies. Publié le 27/06/2026. <https://ap.ohchr.org/Documents/F/HRC/d_res_dec/A_HRC_32_L20.pdf>
[2] « Résolution sur le droit à la liberté d’information et d’expression sur Internet en Afrique - CADHP/Rés.362(LIX)2016 », CADHP. Publié le 04/11/2016. <https://achpr.au.int/index.php/fr/adopted-resolutions/362-resolution-sur-le-droit-la-liberte-dinformation-et-dexpression-sur-Internet>